Depuis le début du XXᵉ siècle, le marché de l’art a traversé des périodes de prospérité et de profonds bouleversements, influencés par les crises économiques, les guerres et les changements technologiques.

Décennie après décennie, le secteur s’est adapté, en passant par des phases de déclin puis de rebond, offrant ainsi des enseignements précieux pour comprendre sa résilience. Art Shortlist a décidé de mener l’enquête pour comprendre comment le marché de l’art s’est comporté au fil des crises et des décennies.

Art Shortlist
par Art Shortlist - 29 octobre 2024

Les années 1900 : l’essor de l’art moderne

Au début du XXᵉ siècle, le marché de l’art s’appuie surtout sur des galeries européennes.

Paris est un centre artistique majeur, attirant des artistes comme Pablo Picasso, Henri Matisse et Amedeo Modigliani.

Pablo Picasso à Paris en 1904

Au cours de cette période, un engouement pour les avant-gardes se développe, et l’intérêt pour l’art moderne s’intensifie, bien que les œuvres académiques continuent de dominer le marché. La stabilité économique relative de l’époque soutient les galeries et encourage les collectionneurs à acheter de l’art.


Les années 1910 : l’impact de la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale freine brutalement la croissance du marché. Les galeries ferment temporairement et les échanges artistiques entre pays sont de plus en plus limités.

Cependant, dans l’après-guerre, on assiste à une reprise rapide, notamment avec l’essor des années folles, où l’art moderne gagne encore plus en popularité.

Paris lors de la crue historique de 1910

New York commence également à se développer comme un nouveau pôle du marché de l’art mondial, en parallèle de celui de Paris. Il est important de noter qu’à cette époque les collectionneurs américains soutiennent principalement les artistes européens.


Les années 1920 : l’âge d’or de l’art moderne et les Années folles

Les Années folles sont marquées par une forte demande pour des artistes modernes comme Picasso, Braque et Delaunay. La Bourse monte en flèche et le marché de l’art bénéficie de cette prospérité économique.

Pablo Picasso et Georges Braque

Les galeries et les ventes aux enchères à Paris et New York attirent un public international. Cependant, cette période de croissance prend fin soudainement avec le krach de 1929, qui précipite le marché de l’art dans une décennie de crise.


Les années 1930 : la Grande Dépression et le repli du marché

La crise de 1929 entraîne une chute drastique des ventes et des prix. Les œuvres d’art voient leur valeur baisser d’au moins 50 % et les collectionneurs se tournent donc vers des pièces historiques et plus sûres, délaissant les artistes contemporains et émergents.

In Fourteenth Street, Reginald Marsh, 1934, Museum of Modern Art, New York

À Paris, les ventes d'art subissent une chute de plus de 60 % en seulement quelques années. Malgré cette baisse marquée, voire inédite, certains acheteurs font preuve de résilience en continuant à investir dans des œuvres perçues comme ayant une valeur durable et un potentiel d'appréciation à long terme. Ce noyau d’acquéreurs contribue à maintenir une demande sélective pour les pièces les plus prisées, notamment celles associées à des mouvements artistiques d’avant-garde ou à des artistes établis du passé.


Les années 1940 : la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le marché de l'art est fortement impacté, notamment en raison des pillages importants orchestrés par les nazis, qui s'approprient des milliers d'œuvres issues de collections privées, souvent celles de familles juives.

Cette spoliation massive, combinée à la fermeture de galeries et de nombreuses institutions culturelles, porte un coup sévère à la scène artistique européenne. Parallèlement, de nombreux artistes, critiques, et marchands d'art fuient l'Europe pour se réfugier aux États-Unis, où ils contribuent à l'émergence d'un nouveau centre artistique à New York, détournant ainsi peu à peu l'attention du marché international vers cette ville.

Des soldats allemands de la Division Hermann Göring posant devant le Palazzo Venezia à Rome le 4 janvier 1944 avec une peinture de Giovanni Paolo Pannini

Après la guerre, le marché de l'art amorce une phase de redémarrage avec des initiatives visant à restaurer le patrimoine artistique et à relancer l'intérêt pour l'art européen. Les ventes aux enchères reprennent et des expositions sont organisées dans les capitales culturelles pour reconnecter le public avec les œuvres des maîtres européens.

Cette période de reconstruction bénéficie également du soutien de collectionneurs et d'institutions désireux de rétablir la vitalité culturelle de l’Europe, tout en répondant à une demande croissante pour l'art moderne et contemporain qui a émergé durant le conflit.


Les années 1950 : l’émergence de New York et de l’art contemporain

Après la guerre, New York s’impose comme un centre majeur du marché de l’art, avec des artistes comme Jackson Pollock et Mark Rothko.

Mark Rothko en 1949

Cette période marque l’essor de l’expressionnisme abstrait, attirant de nouveaux collectionneurs, principalement américains. Le marché se diversifie et s’ouvre aux œuvres contemporaines, marquant un tournant par rapport à l’Europe, plus attachée aux artistes classiques.


Les années 1960 : la montée de la culture pop et l’art comme investissement

La décennie des années 1960 est marquée par l’art pop avec Andy Warhol et Roy Lichtenstein. L’art devient plus accessible et attire une nouvelle génération de collectionneurs.

Andy Warhol en 1962

Le marché de l’art connaît une certaine stabilité, mais les prix augmentent pour des œuvres contemporaines, renforçant l’idée de l’art comme un investissement.


Les années 1970 : la crise pétrolière et la diversification des investissements

La crise pétrolière de 1973 crée une inflation qui affecte le marché de l’art, mais encourage aussi les investisseurs à diversifier leurs portefeuilles en incluant des œuvres d’art.

Un panneau dans l’Oregon pendant le premier choc pétrolier en 1973

Malgré la récession, l’art contemporain continue d’attirer des acheteurs, en particulier les œuvres d’artistes établis aux États-Unis. Les ventes d’art contemporain se maintiennent à un bon niveau, notamment grâce à une clientèle internationale.


Les années 1980 : l’explosion du marché et la bulle spéculative

Les années 1980 sont une période faste pour le marché de l’art, stimulée par la spéculation. Des acheteurs japonais investissent massivement, notamment dans des œuvres d’impressionnistes et de post-impressionnistes.

20 juillet 1987 - Les tournesols de Vincent van Gogh présenté à son arrivée au siège de Yasuda Fire and Marine Insurance à Tokyo

Les prix atteignent des records pour des artistes comme Van Gogh et Picasso. Cependant, cette bulle spéculative éclate en 1991, entraînant une correction importante du marché.


Les années 1990 : le retour à la stabilité et la montée de nouveaux marchés

Après l’éclatement de la bulle spéculative à la fin des années 1980, le marché de l’art subit une période de stabilisation. Après 1990, les maisons de vente et galeries se recentrent sur des pièces de qualité et évitent les excès spéculatifs.

Cette période est marquée par l’émergence de nouveaux acheteurs en Asie, notamment à Hong Kong, qui s’impose comme un nouveau centre régional de l’art. De plus, les années 1990 voient le début d’une internationalisation accrue avec un intérêt croissant pour les artistes contemporains et les œuvres de jeunes artistes.


Les années 2000 : la mondialisation et la première crise financière

Les années 2000 marquent l’ère de la mondialisation du marché de l’art, avec une intensification des échanges entre l’Occident et les marchés asiatiques et du Moyen-Orient. L’art contemporain connaît un essor sans précédent, avec des artistes comme Damien Hirst et Jeff Koons atteignant des records aux enchères.

Damien Hirst et son agent Frank Dunphy en 2008

Toutefois, la crise financière de 2008 provoque une chute brutale des ventes, avec une baisse de 28 % des ventes aux enchères en 2009. Malgré cette crise, des collectionneurs continuent d’acheter et le marché commence à rebondir dès 2010.


Les années 2010 : la reprise et l’arrivée des marchés en ligne

La décennie 2010 voit une reprise progressive après la crise financière et le marché de l’art retrouve une certaine stabilité. Les prix augmentent à nouveau, notamment pour les œuvres d’artistes contemporains. Des collectionneurs venus de Chine, d’Inde, et d’autres marchés émergents jouent un rôle important dans la croissance du secteur.

L'arrivée des solutions numériques a bouleversé le marché de l'art

C’est aussi durant cette période que les plateformes de vente en ligne s’imposent comme des solutions efficaces, ouvrant le marché de l’art à une nouvelle audience internationale. Les grandes maisons de vente aux enchères, comme Christie’s et Sotheby’s, investissent dans des ventes en ligne pour toucher une clientèle plus large.


Les années 2020 : la pandémie, le numérique et les nouveaux comportements d’achat

La pandémie de COVID-19 marque un tournant majeur pour le marché de l’art en 2020. Avec la fermeture des galeries et l’annulation des foires, le secteur se tourne massivement vers le numérique.

Les ventes en ligne explosent, avec une augmentation de 50 % en 2020 par rapport à 2019. Des records de ventes sont atteints dans des enchères entièrement digitales. Les collectionneurs adaptent leurs comportements et le marché continue d’évoluer face aux incertitudes et aux bouleversements.


Conclusion : La résilience et l’adaptabilité du marché de l’art

À travers chaque décennie, le marché de l’art a su se réinventer face aux crises. Les grandes périodes de déclin, de reprise et d’innovation montrent une résilience remarquable qui repose sur une capacité d’adaptation aux changements économiques et technologiques.

Aujourd’hui, avec l’essor des ventes en ligne et l’intérêt croissant pour les marchés émergents, le secteur de l’art se trouve à un nouveau carrefour, promettant des évolutions fascinantes pour les années à venir.