On entend souvent dire que la peinture serait finie, qu’elle ne serait plus capable de bouleverser. L’exposition George Condo au Musée d’Art Moderne de Paris démontre exactement l’inverse.
Pendant plusieurs mois, le MAM présente la plus vaste rétrospective jamais consacrée à l’artiste américain : plus de 80 peintures, 110 dessins et 20 sculptures, dans un parcours dense, pensé en étroite collaboration avec Condo lui-même.
Figure centrale de la scène new-yorkaise des années 1980, proche de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring et Andy Warhol, George Condo occupe pourtant en France une place encore floue : connue des amateurs, respectée des insiders mais rarement racontée au grand public.
Cette exposition vient réparer cela et rappeler une chose simple : la peinture est encore capable d’être vivante et vibrante.
1 - George Condo : un artiste à part dans l’histoire de l’art contemporain
Né en 1957, George Condo développe dans les années 1980 une approche qu’il nomme "cubisme psychologique" : il ne peint pas les visages tels qu’ils apparaissent, mais tels qu’ils se ressentent de l’intérieur. Ses portraits sont moins des représentations que des états.
Des personnages composés, fragmentés, distordus, comme si plusieurs émotions coexistaient dans un seul visage. Ce qui fait la force de Condo, c’est sa culture picturale immense. Il cite, convoque, détourne, réinterprète notamment :
- Picasso, pour la déconstruction de la figure
- Goya, pour le tragique humain
- Basquiat & Haring, pour l’énergie brute
- Magritte & Dali, pour les glissements du réel
- Dubuffet, pour le foisonnement organique
Condo n’imite personne, il dialogue avec l’histoire de l'art.
2 - Une entrée en matière : plonger dans l’esprit de l’artiste
La rétrospective s’ouvrait par une salle sombre, presque étouffée, comme une plongée directe dans le chaos intérieur de Condo.
Dès les premières œuvres, le visiteur comprend : ici, la peinture n’est pas décorative, elle est vécue, charnelle, frontale.
Les portraits déstructurés, les accumulations de formes, les visages démultipliés agissent comme des chambres psychiques.
On ne regarde pas : on rencontre.
3 - Le chaos maîtrisé : grands formats et tensions visuelles
La suite du parcours révèle ce que beaucoup retiennent de Condo : des toiles d’une densité impressionnante, puissantes, presque trop pleines et pourtant parfaitement tenues.
C’est là que réside son style : Un désordre apparent, tenu d’une main de maître.
Ses grands formats débordent d’énergie mais ne sombrent jamais dans l’informe.
Chaque tension, chaque excès, chaque débordement est pensé, équilibré.
4 - Le dessin : la matrice
Si la peinture occupe l’espace, le dessin en est le moteur.
Carnets, esquisses rapides, figures qui naissent, se dédoublent, mutent : on comprend ici que chez Condo, le dessin est pensée pure.
La peinture n’est pas improvisée. Elle est l’aboutissement d’une longue gestation visuelle.
5 - Les sculptures : visages lourds, humanité brute
Les sculptures, souvent méconnues, témoignent d’une autre dimension de l’artiste : des têtes massives, parfois grotesques, toujours profondément humaines.
Une humanité fragile, cabossée, lucide.
6 - La salle noire & la sortie en lumière
Moment clé de l’exposition : la salle noire. Silence. Matière. Présence.
Impossible de ne pas penser à la Chapelle de Mark Rothko.
Puis, soudain, le parcours se rouvre sur des œuvres récentes, éclatantes de couleurs, de lumière et de souffle.
Conclusion
Cette exposition montre une chose simple, mais essentielle : La peinture n’est pas morte.
Elle vit encore. Et George Condo compte parmi ceux qui la maintiennent vivante, dans toute sa puissance et sa fragilité.
Pour aller plus loin
Il est également possible de découvrir l’exposition en vidéo : Art Shortlist a réalisé une visite filmée et commentée de la rétrospective George Condo au Musée d’Art Moderne de Paris.



