Dans un monde où l'art contemporain est en constante évolution, un phénomène inquiétant se dessine : la disparition progressive des critiques d'art.

Où sont passés les critiques d'art ? Cette question soulève un problème fondamental pour l’avenir de l’art. L'absence de cette voix essentielle n'est pas seulement un manque dans le paysage médiatique, mais un véritable vide qui risque de menacer l’évolution de l'art contemporain, en particulier dans un environnement où les tendances semblent se succèder à un rythme effréné.

Art Shortlist
par Art Shortlist - 29 avril 2025

Un effacement progressif mais visible

Autrefois figures influentes des revues spécialisées, des pages culturelles des grands quotidiens et même de la télévision, les critiques d’art semblent aujourd’hui relégués à la marge.

Ce recul ne relève pas d’un accident passager : il s’agit d’une tendance lourde, observable depuis au moins deux décennies, où le commentaire structuré cède la place à l’instantanéité des réseaux sociaux et à la promotion commerciale.


La critique remplacée par l’influence ?

Dans le vide laissé par les critiques d’art, les influenceurs culturels, les algorithmes des plateformes et les galeries elles-mêmes occupent désormais le devant de la scène.

Si ces nouveaux acteurs ont leur utilité, ils ne jouent pas le même rôle au sein du monde de l’art : là où la critique analyse, met en perspective et interroge, la communication interpele, vend ou divertit.

Résultat : une standardisation du goût, un manque de recul critique et un art souvent privé de ses clés de lecture.


L’art contemporain a-t-il encore besoin de critiques ?

Plus que jamais. Face à une production artistique foisonnante, globalisée et parfois déroutante, le public (collectionneurs, amateurs ou simples curieux) a besoin de repères.

La critique d’art joue ce rôle de médiateur, de révélateur, voire de contre-pouvoir. Elle offre un espace de réflexion, alimente les débats, et contribue à la reconnaissance d’artistes audacieux. Sans elle, le risque est grand de voir l’art se résumer à une marchandise sans âme.


Un consensus mou qui freine le débat

Autre dérive inquiétante : l’uniformisation du discours critique lorsqu’il subsiste. Trop souvent, les rares voix encore audibles dans le monde de l’art semblent aller dans le même sens, validant systématiquement les choix dominants et les esthétiques à la mode.

La confrontation d’idées, pourtant essentielle à tout écosystème culturel vivant, se fait rare. Cette absence de débats francs et de divergences assumées peut finir par lasser, voire détourner certains amateurs d’art. Comment s’enthousiasmer, s’engager ou débattre quand tout semble déjà validé ? Ce climat de consensus affaiblit non seulement la critique, mais aussi la relation entre le public et l’art lui-même.

Les artistes, eux aussi, en subissent les conséquences. Sans soutien critique, nombre d’entre eux peinent à faire entendre leur voix au-delà des logiques de marché ou des réseaux d’influence. Certains artistes finissent par perdre confiance, doutant de la pertinence ou de la visibilité de leur travail. L’absence de regard critique construit et indépendant prive ainsi la création d’un accompagnement essentiel et affaiblit le tissu artistique dans son ensemble.


Une responsabilité collective

La disparition des critiques n’est pas seulement le symptôme d’un désintérêt général. Elle est aussi le résultat d’une précarisation des métiers culturels, d’un manque de visibilité accordée à l’analyse dans les médias généralistes, et d’une frilosité des institutions à accueillir des voix dissonantes.

Pour inverser cette tendance, il faudra inévitablement une mobilisation conjointe des musées, des écoles d’art, des éditeurs, des critiques eux-mêmes, des médias culturels, des institutions publiques, des collectionneurs, des galeries, mais aussi du public.


Conclusion : un art sans critique est un art sans mémoire

En perdant ses critiques, l’art contemporain perd une part de sa mémoire, de sa conscience, et de sa capacité à évoluer en dialogue avec la société.

Il est donc urgent de redonner à la critique d’art la place qu’elle mérite : celle d’une parole libre, rigoureuse et engagée, essentielle pour que l’art continue à parler, à déranger et à inspirer.