Lucia Schautz est une artiste basée en Allemagne entre Berlin et Stuttgart, elle a récemment rejoint Art Shortlist. Pour mieux la connaître, nous sommes allés la rencontrer dans son atelier.
Bonjour Lucia, quand et comment avez-vous commencé à peindre ?
Je peins depuis que je peux penser, mon père est artiste, un graveur. J’ai grandi dans une ancienne ferme dans le sud de l’Allemagne que mon père a transformée en maison d'artistes. Enfant, je passais mon temps à le regarder travailler, j’ai aussi beaucoup peint avec lui. J’étais toujours fascinée de voir le résultat de nos créations communes, nous peignons souvent sur de la pierre lithographique.
Au cours de mon enfance, j’ai aussi pratiqué la musique et pris des cours de théâtre. En grandissant, je me suis entièrement dédiée à la peinture. Selon moi, la peinture a de grands pouvoirs, elle est capable de transmettre : l’expression, l’émotion et le contenu…
Lucia Schautz s'exerçant dès son plus jeune âge sur la pierre lithographique
Quels sont les artistes qui vous inspirent le plus ?
J'ai toujours été intéressée par les expressionnistes, en fait, tout ce qui concerne l'expression et la couleur me fascine. Même si j'ai appris beaucoup d'histoire de l'art grâce à mon père, je n'ai jamais été vraiment intéressée par une vision intellectuelle de l'art. Pour moi, l'art doit être un moyen d’exprimer des émotions. J'ai passé des heures à étudier et repeindre les œuvres de Kirchner et Macke. J'ai trouvé plus tard que l'expressionnisme abstrait était fascinant pour exprimer plus clairement ses émotions - ce n'est que beaucoup plus tard que je me suis intéressée au Pop Art avec des artistes comme Roy Lichtenstein ou Andy Warhol. Mon propre style est à mi-chemin entre l’expressionnisme abstrait et le Pop Art.
Pouvez-vous nous expliquer votre technique de peinture sur toile ?
Je commence généralement par un fond abstrait, un mélange d'éléments de sérigraphie et de peinture expressive ainsi que de la peinture aérosol. Ensuite, je regarde le cosmos des couleurs et je réfléchis à l'expression que je veux créer sur la toile. Il y a presque toujours un visage en arrière-plan. Ces visages sont généralement imprimés, puis peints ou complètement peints à la main. Le hasard et l'intuition se rejoignent dans mes œuvres. Dans ce processus, la sérigraphie me permet de travailler plus vite et de façon encore plus expérimentale.
Pour mes sérigraphies, je crée d'abord des pochoirs, des mots, des structures, des visages que je transfère ensuite sur des écrans de sérigraphie. En sérigraphie, plus les tissus utilisés sont fins, et plus les impressions sont réalistes. J'ai commencé à utiliser la sérigraphie en 2012, lorsque ma galeriste Sybille Mang a annoncé qu'Edwald Schrade, le fondateur d'Art Karlsruhe, souhaitait que j’expose à son salon. Au départ, je n'étais pas très intéressée par la sérigraphie, mais j’ai rapidement compris que cette technique m’aiderait à avancer et à laisser plus de place à l’expérimentation. Cette technique a offert différents niveaux de réalités à mon art. Aujourd’hui, je continue de développer cette technique de manière significative.
Audrey, Lucia Schautz, 2019
Où est basé votre atelier ?
Mon atelier est basé à Berlin. Et je travaille également à Stuttgart, où j'ai étudié à l'Académie d’art. Actuellement, je travaille dans le Künstlerhaus à Stuttgart, il y a un atelier de sérigraphie professionnel où je peux faire de grands écrans.
Quelles sont vos autres passions ?
Je fais beaucoup de sport. J'aime particulièrement courir en forêt. Comme j'ai grandi à la campagne, j’aime être dehors, dans la nature, c’est quelque chose de fondamental pour moi. Par ailleurs, je joue du violon et je chante.
Observation, Lucia Schautz, 2019
Est-ce que la crise sanitaire a eu un impact sur votre production artistique ?
Oui, cela me laisse plus de temps pour faire de nouvelles expériences et tenter de nouvelles choses. En fait, j’adore ça ! Je travaille actuellement sur une série où les visages interagissent fortement avec l'arrière-plan. Sinon ma vie n’a pas tant changé que ça, quand on est artiste, on a l'habitude d’être seul et de beaucoup travailler. De ce point de vue, rien n'a changé…
Est-ce que vous pensez que l'art doit jouer un rôle pour nous aider à sortir de la crise du Covid-19 ?
Dans toutes les épreuves de la vie, l'art est la meilleure réponse. L’art nous aide à prendre du recul, il nous inspire, nous aide à avancer. C'est exactement ce dont les gens ont besoin en ce moment. L’art nous aide à nous retrouver et à développer des idées qui ont du sens pour le monde. L’art offre de nouvelles opportunités de regarder différemment le monde qui nous entoure.
Dans vos œuvres, il vous arrive de rendre hommage à des icônes (Marilyn Monroe, Audrey Hepburn..), mais aussi à des personnes inconnues. Comment choisissez-vous les modèles que vous représentez ?
Le choix des visages est toujours un jeu de hasard. Je cherche d’abord l’émotion que procure l’image et le visage doit correspondre à l'arrière-plan. J'ai une énorme collection de photos de visages. Il m’arrive aussi d’utiliser Photoshop pour combiner des visages. Devant mes œuvres, je souhaite que le spectateur associe un visage à quelque chose qu’il connaît ou qui lui rappelle un souvenir, par exemple : un proche, un film, une expérience personnelle…
Parmi vos propres œuvres, quelle est celle que vous considérez comme la plus réussie ?
L'une de mes œuvres préférées est Greatness. À mon sens, elle combine l'arrière-plan et le visage d'une manière intéressante. Ce visage est très expressif, il a quelque chose d’androgyne, de mystérieux. Pour moi, une œuvre est réussie quand une fois achevée, elle continue de me faire réfléchir.
Greatness, Lucia Schautz, 2020
Vous avez vécu à Paris, pouvez-vous nous raconter votre expérience en France ?
Paris a été une ville importante pour moi, elle m’a fait grandir artistiquement. J’ai obtenu une bourse pour venir y étudier. J’ai vécu rue Bertholet dans le 5ème arrondissement.
En Allemagne, j’ai étudié la peinture, la performance, la scénographie et la conception de costumes, j’ai continué de le faire à Paris. Mon but ultime était de connecter tous ces médias pour en faire un projet, ce que j’ai fait. Je me suis intéressée à l’actrice Marlene Dietrich. J’ai eu la chance de voir une magnifique exposition sur elle au Musée de la Mode à Paris.
Paris m’a inspiré, j’y ai trouvé des amis pour la vie. Quel plaisir j’avais de me promener dans Paris, faire des musées, du shopping, ou simplement admirer la beauté de la ville.
Quelle est l’œuvre d’art qui vous a le plus marqué ?
Il en y a beaucoup, alors voici une petite liste :
Willem de Kooning : Woman II, Untitled XXV, Cecily Brown : La fille qui avait tout, Ernst-Ludwig Kirchner : Joueur de Mandoline, August Macke : Jeunes filles sous les arbres. Toutes les œuvres d’Andy Warhol et de Roy Lichtenstein.
J’aime aussi beaucoup les performances et les artistes d’objets, avec ces pratiques artistiques le sujet des femmes est mis en lumière de façon très inspirante. Je pense par exemple à Louise Bourgeois : The Cells, Cindy Sherman : Untitled Film Stills, Marina Abramović : L’artiste est présente, Performance, Sylvie Fleury : Camino del Sol.
Jeunes filles sous les arbres, August Macke, 1914
Quels sont vos projets pour 2020 ? Que peux-t'on vous souhaiter pour l'avenir ?
Je travaille sur de nouvelles séries d’œuvres, elles vont encore plus loin dans l'abstraction et reprennent également d'autres motifs comme des visages de femmes. De plus, j’ai quelques projets pour l'espace public, ainsi que des projets de coopération dans le domaine de l'art et du design. C’est une année très excitante pour moi sur le plan artistique. Souhaitez-moi juste bonne chance et tout se passera bien, j’en suis convaincue !
Pour finir cette interview, pouvez-vous me donner une citation qui vous inspire ?
« Our only limit is our mind ».