La Grande Vague de Kanagawa de Hokusai est sans doute l’estampe japonaise la plus connue au monde. Cette gravure sur bois fascine bien au-delà des frontières nippones. Découvrons ensemble cette œuvre emblématique de l’art japonais.

Art Shortlist
par Thibault de Watrigant - 14 janvier 2021

Qui était Katsushika Hokusai ?

Katsushika Hokusai était un graveur, dessinateur, peintre et écrivain japonais né en 1760 à Tokyo. À son époque, la ville s’appelait Edo. Hokusai était l’auteur d’écrits très populaires au Japon. On le surnommait le "Vieux Fou de dessin", car il était un dessinateur très prolifique. Au cours de sa vie, il produit pas moins de 30 000 dessins.

Le Fuji par temps clair, Katsushika Hokusai, 1830-1832

Hokusai fut l’un des acteurs incontournables du mouvement Ukiyo-e, terme qui signifie "Image du monde flottant en japonais". Ce mouvement s’articule autour de deux pratiques principales : la peinture populaire et narrative, ainsi que la production d’estampes gravées sur du bois.

Les sujets abordés par l’Ukiyo-e correspondent aux centres d’intérêts de la bourgeoisie japonaise de l’époque, on trouve par exemple : des représentations de lieux célèbres et de scènes de vie, des créatures fantastiques, des calendriers, des cartes de vœux, des scènes érotiques, des sumos, du théâtre kabuki.

Pêcheur à Kajikazawa, Katsushika Hokusai, 1830-1832

Vous l’aurez compris Hokusai a œuvré au cours d’une période où la production d’estampes battait son plein au Japon. Un contexte particulièrement propice pour effectuer des expériences artistiques novatrices.

L’artiste japonais est souvent considéré comme l’inventeur du terme "Manga" que l’on peut traduire par "Dessin libre" en français. Hokusai est un artiste majeur du 19ème siècle. À présent, concentrons nous sur sa fameuse vague.


Un chef-d'œuvre de l’estampe japonaise

La Grande Vague de Kanagawa, Katsushika Hokusai, 1830-1831

"La Grande Vague de Kanagawa" a été publiée par Hokusai en 1830 ou en 1831. Elle est au format paysage, sa hauteur est d'environ 26 cm et sa largeur 38 cm. Généralement, les estampes japonaises étaient tirées à plusieurs centaines d’exemplaires, les premiers tirages étant les plus qualitatifs dans le rendu des couleurs et des traits.

Hokusai a eu beaucoup de succès avec cette estampe, il a produit seulement 46 exemplaires de "la Grande Vague de Kanagawa". Plusieurs exemplaires sont détenus par des grands musées comme : le Metropolitain Museum of Art, le musée Guimet, le British Museum, la Bibliothèque nationale de France. Maintenant immergeons-nous dans cette estampe pour mieux comprendre sa signification et son impact sur l'histoire de l'art.


Une vague gigantesque

Imprévisible et colossale, cette vague au large est la star de cette œuvre. Sa hauteur et son épaisseur donnent le vertige. Cette double vague occupe une place importante sur l’estampe, presque la moitié de l’œuvre.

Hokusai montre la force de la nature face à l’homme et le résultat est renversant. On est tout de suite attiré par ce mur d’eau qui déroule et s’élève face à ces bateaux de pêches.

Cette estampe en deux dimensions est précise et réaliste, Hokusai lui a donné une profondeur par les traits et les couleurs. La vague joue un rôle central ici, en effet, le Mont Fuji semble minuscule à côté d’elle.


Le majestueux Mont Fuji en arrière-plan

Au Japon, le Mont Fuji est un lieu sacré et symbolique où l’on peut se retirer, effectuer un pèlerinage pour se reposer l'esprit. L'illustre volcan culmine tout de même à 3 776 mètres. Il semble minuscule sur cette œuvre. Le cadrage choisi par Hokusai nous donne l’impression que le Mont Fuji va être englouti par cette immense vague de l’océan pacifique.

Par le biais de cette estampe, l’artiste japonais nous offre un constrate saisissant entre cette montagne éternelle, imperturbable et les éléments naturels qui se déchaînent.


Des bateaux de pêcheurs en pleine tempête en mer

Au milieu d’une mer déchaînée, trois barques de pêcheurs luttent pour éviter le naufrage. Ces petits bateaux sont probablement des "Oshiokuribune". Ce sont des navires de petite taille qui ravitaillaient la baie d’Edo en marchandises. Ces bateaux japonais étaient connus pour leur navigabilité, ils pouvaient atteindre des vitesses importantes tout en restant stables.

Dans cette scène devenue mythique, les pêcheurs sont emportés par la houle et les courants marins, ils sont comme pris au piège. Malgré les mouvements de la mer, les bateaux et leurs occupants ne semblent pas en panique, ils dégagent même une certaine sérénité. Hokusai a donc réussi à produire une scène à la fois sereine et intense.


Le bleu de Prusse

Cette estampe est sans conteste la plus célèbre de l’art japonais, elle est la première œuvre de sa série "Trente-six vues du mont Fuji". Dans cette série, Hokusai a largement utilisé le bleu de Prusse. 

C’est vers 1820 que le bleu de Prusse fût importé au Japon. Il est rapidement devenu populaire chez les graveurs et peintres japonais. Ce bleu est profond et s’est parfaitement intégré à la palette des artistes japonais de l’époque. Cependant, du fait qu’il était un produit d’importation provenant de Hollande, il était assez coûteux, donc réservé à une certaine élite artistique.

Sur "la Vague", le bleu de Prusse occupe environ 20 % de la surface de l’œuvre, ce bleu donne un rythme et une puissance incomparable à cette vague scélérate.


Une estampe qui a influencé de nombreux artistes européens

La Japonaise, Claude Monet, 1876

Au milieu du 19ème siècle, l’art japonais est introduit en Europe. Le Japonisme fait d'abord son apparition en France. Il correspond à l’influence exercée par la civilisation et l’art japonais entre 1860 et 1890 sur les artistes et les écrivains, d’abord les Français, ensuite ceux d’occident.

L’Ukiyo-e devient une grande source d’inspiration pour les peintres impressionnistes européens et ensuite pour les artistes de l’Art Nouveau. Pour Raymond Isey, « le Japon a été l'équivalent de la découverte d'un continent esthétique nouveau ».

Parmi les collectionneurs et adeptes de l'art japonais, on trouvait des artistes comme Vincent Van Gogh, Claude Monet, Edgar Degas, Auguste Renoir, Camille Pissarro, Gustav Klimt, James Tissot, James Whistler, Mary Cassat, Auguste Rodin ou Giuseppe de Nittis. Ces artistes étaient notamment fascinés par "la Vague" en raison de sa perceptive innovante, ses couleurs et le sujet représenté.

Portrait d'Émile Zola, Édouard Manet, 1868

L’Exposition Universelle de 1867 à Paris a permis au Japon de diffuser sa culture et son art en Europe. C’était sa première participation officielle à cette événement majeur. Une vente a d’ailleurs eu lieu à Paris avec pas moins de 1300 objets japonais vendus.

En 1878, une grande rétrospective sur l’art japonais a lieu lors de l’Exposition Universelle. Cette manifestation n'a fait qu’asseoir l’influence artistique du Japon sur le Vieux Continent.

Claude Debussy était un passionné de la mer, il possédait un exemplaire de "la Vague" dans son cabinet de travail. Il s’est inspiré de cette estampe pour son œuvre intitulée "la Mer", l’œuvre d’Hokusai figurait même en couverture de sa partition sur l’édition originale de 1905.

Couverture de l'édition originale de "la Mer" en 1905, reproduisant la Vague d’Hokusai


Une œuvre encrée dans la culture populaire japonaise et bien au-delà

La Vague en LEGO par Jumpei Mitsui

Au Japon, cette estampe est devenue légendaire, elle fait même la fierté des Japonais. "La Vague" a été utilisée à de nombreuses reprises et dans différents domaines aux quatre coins du globe, par exemple :

  • Le logo de la marque Quiksilver est inspiré de cette œuvre.
  • Des entreprises comme IBM, Seiko, Orangina l'ont utilisé pour des campagnes publicitaires.
  • Il existe des milliers de produits dérivés à son effigie vendus à travers le monde : des puzzles, des cahiers, des mugs, des vêtements et même des masques...
  • "La Vague" possède son propre emoji, cela montre à quel point elle est importante dans la culture populaire.
  • De nombreuses personnes ont décidé de se faire tatouer l'œuvre sur leur corps. Elle est un best seller dans les salons de tatouage.
  • Dernièrement, un professionnel LEGO japonais nommé Jumpei Mitsui a réalisé une immense réplique de l'œuvre avec près de 50 000 briques LEGO. Cette étonnante construction est exposée au Hankyu Brick Museum d'Osaka.