Cette année nous fêtons le 150ème anniversaire du mouvement impressionniste et Patrick de Watrigant, docteur en droit et membre de l’équipe de Art Shortlist, a choisi cette année symbolique pour publier un livre témoignant d’un scandale retentissant autour d’un illustre portrait de Claude Monet et qui implique de nombreuses personnalités du monde de l’art.
Ces révélations fracassantes nous permettent de comprendre les tenants et aboutissants de l’un des plus grands scandales de l’histoire de l’art. Découvrez l’interview exclusive de l’auteur de Claude Monet - Le scandale du portrait.
Pourquoi avez-vous souhaité écrire ce livre et pourquoi avoir choisi ce titre ?
J’ai absolument voulu faire connaître au grand public une affaire qui m’a habité pendant plus de trente années de ma vie. C’est l’histoire d’un tableau représentant le père et maître de l’impressionnisme : Claude Monet.
Comment vous êtes-vous retrouvé au centre de cette histoire invraisemblable ?
Je me suis retrouvé au centre de cette histoire incroyable grâce à mon oncle le bâtonnier Claude Lussan. En effet, j’ai commencé ma vie professionnelle au sein du cabinet de ce grand avocat qui avait une clientèle de personnages plus illustres les uns que les autres, parmi lesquelles se trouvaient : un amiral anglais héros de la Seconde Guerre mondiale, et son épouse la fille d’un grand peintre lui-même ami de Claude Monet.
Bien que simple petit stagiaire débutant, mon oncle me confia un dossier pour le compte de cet amiral anglais. Un dossier qui me permit de nouer des liens de confiance et même d’amitié avec lui.
Je fus ainsi amené à rencontrer chaque mercredi soir l’amiral Clarence Howard-Johnston à son domicile parisien, domicile aux murs couverts de magnifiques tableaux dont un énigmatique portrait de Monet.
Qui est encore aujourd’hui reconnu comme l’expert incontournable de Claude Monet sur le marché de l’art ?
C’est sur le catalogue raisonné de Daniel Wildenstein que repose encore aujourd’hui l’attribution ou non d’un tableau à Monet.
Helmut Newton, Daniel, Guy et Alec Wildenstein, 1999 / Helmut Newton / Trunk Archive / PhotoSenso ©
Daniel Wildenstein dans l’avant-propos de son catalogue précise qu’il s’agit de quarante années de travail ayant permis de répertorier 2050 œuvres parmi lesquelles figure sous la référence “891-a” un portrait de Monet peint en 1884 !
Comment et pourquoi Michel le fils de Claude Monet a pu se tromper sur l’auteur du portrait de son propre père ?
L’explication est simple : Michel Monet à la mort de son père en 1927 s’est retrouvé seul héritier de Giverny et des centaines de tableaux qui couvraient les murs de la maison de son père, sans connaître pour certaines peintures non signées leurs véritables auteurs.
Comme je le précise dans mon livre, la preuve de son incapacité à donner un avis éclairé sur les œuvres de son père nous a été donnée il y a quelques années à l’occasion d’une rétrospective consacrée à Eugène Boudin au musée Jacquemart-André. Lors de cette exposition, il a été révélé qu’une œuvre portant le cachet de la signature de Claude Monet, apposée après sa mort par son fils, était en réalité une œuvre d’Eugène Boudin. Cela démontre que Michel Monet était un piètre connaisseur de l’œuvre de son père...
Quels sont les principaux protagonistes de cette histoire invraisemblable ?
Les protagonistes sont nombreux : cela va de Claude Monet à son fils Michel, du clan Wildenstein à l’Académie des beaux arts et son musée Marmottan Monet en passant par l’ensemble du monde et du marché de l’art.
Salle des autoportraits lors de l’exposition Monet Hodler Munch. Un visiteur se tient devant un autoportrait de l'artiste Ferdinand Hodler au musée Marmotan Monet à Paris, France, le 13 septembre 2016. À gauche et à droite du visiteur se trouvent des autoportraits d'Edvard Munch et de Claude Monet / Photo : Sabine Glaubitz - DPA - Alamy Stock Photo ©
Comment expliquez-vous les invraisemblables changements d’attribution que n’a cessé de subir ce fameux portrait ?
Les invraisemblables changements d’attribution de ce fameux portrait s’expliquent par les multiples procédures qu’à dû engager Paulette Howard-Johnston (femme de l’amiral Howard-Johnston et fille du peintre Paul-César Helleu - NDLR) contre les Wildenstein et le musée Marmottan Monet ; ces protagonistes changeant l’auteur de ce portrait en fonction des procédures en cours…
Savez-vous où se trouve ce portrait aujourd’hui et pensez-vous que nous allons le revoir un jour ?
Claude Monet, Autoportrait dans son atelier, c. 1884, huile sur toile, 54 x 48,5 cm, non signé, musée Marmottan Monet, Paris, France / Bridgeman Images ©
Ce portrait doit toujours se trouver au sein des collections du musée Marmottan Monet avec une attribution incohérente au modeste peintre suisse Charles Giron. En attendant de redevenir un Claude Monet au bon vouloir des responsables de ce musée…
Y a-t-il eu précédemment un scandale comparable à celui-ci ?
Absolument. Par deux fois, deux œuvres de Nicolas Poussin ont fait l’objet de batailles judiciaires comparables à celle qu’a subi le portrait de Monet avec des attributions changeant au gré des procédures judiciaires. Je rappelle tout cela dans mon livre.
Pour conclure, pourquoi attribuer ce portrait à Charles Giron vous paraît invraisemblable et même infondé ?
Il existe neuf raisons pour lesquelles le portrait de Monet vendu par Paulette Howard-Johnston ne peut pas être la pochade qu’à peint en une heure Charles Giron le 15 février 1885.
Rien ne correspond entre le descriptif de la pochade peinte par Giron et ce que l’on constate à la vue du portrait de Monet vendu par Paulette Howard-Johnston ! Les dimensions sont très différentes, les dates de créations diffèrent également, sur un tableau Monet fume la pipe et sur l’autre fume une cigarette…
J’explique et démontre tout ceci dans mon livre.